Escalade sur glace : choisir son itinéraire

Choisir son itinéraire est bien souvent une question de motivation et d’opportunité : on a entendu parler de bonnes conditions dans telle ou telle goulotte, les cascades d’un secteur sont bien formées… Cela peut aussi être un projet pour lequel on se prépare depuis des mois voire des années.

Le choix de l’itinéraire en escalade glaciaire est avant tout une affaire personnelle. Ce premier choix fait à la maison, peut éviter de gros problèmes et s'avérer plus ou moins judicieux selon le niveau d’expérience de la cordée. Si l’on met de côté les paramètres liés aux facteurs environnementaux et à la qualité de l’itinéraire choisi, plusieurs facteurs doivent être pris en compte.

Une ligne de glace a un sens, une logique propre. On peut y lire des zones faciles où il sera aisé de progresser et des zones plus raides et plus exigeantes.

Sur une cascade de glace, on observera les volumes au sommet desquels on trouvera des marches pour les pieds et où il sera facile de visser des broches. A l’inverse, on prévoit plutôt d’avancer dans les sections raides comme les piliers ou rideaux. On pourra aussi éviter les zones où l’eau ruisselle et où des flûtes de surface exigeront un gros nettoyage.


En montagne, la première lecture n’est pas toujours au niveau de la difficulté car les lignes sont plus homogènes mais elle est liée à l’exposition aux dangers objectifs. Il faudra accélérer l’allure dans les sections exposées aux chutes de corniches, de séracs et de pierres. Le choix consistera à donc souvent à à privilégier vitesse ou protection. Le choix est toujours délicat, ni noir, ni blanc.


Il faut visualiser sa ligne avant de partir pour anticiper le rythme de son ascension et les changements de cap éventuels.

Apprécier la difficulté et ses capacités

Vues du pied, les cascades de glace paraissent plus faciles et moins raides qu’elles ne le sont réellement. et inversement, les couloirs de glace alpins semblent d’une verticalité invraisemblable qui s’atténue lors de leur ascension. Attention, la glace est trompeuse quant à sa qualité mais aussi quant à sa raideur !


Aujourd'hui, on cote les itinéraires selon une double échelle : un premier chiffre romain allant de I à VII traduit l'engagement, un second chiffre arabe qui va lui aussi de 1 à 7 donne la difficulté technique. D’autres chiffres et lettres complètent parfois cette curieuse équation selon la fragilité du support ou la présence de sections mixtes…


Exemple : “The Real Big Drip”, V/M7+/7 au Canada. Ainsi, un itinéraire coté VII/7 est très fragile et bien souvent constitué d’obstacles surplombants. Bien sûr, la cotation d’un itinéraire peut changer d’une saison à l’autre, en fonction du débit d’eau, du temps de formation, du passage des grimpeurs.


Nuit Blanche”, en rive gauche du glacier d’Argentières (Haute-Savoie), qui était autrefois un grade 7 redouté et redoutable, est devenue une ligne classique de niveau 5-5+. Un cigare de grade 6, éprouvant et délicat, peut se transformer après de nombreux passages en un gentil grade 5.


L’important est de savoir dans quoi on s’engage, et pour cela rien de tel que le topo et les informations d’autres grimpeurs.

Quelles sections vont me poser problème ?

Quand on a un itinéraire en tête avec des temps forts et des temps faibles, certaines sections vont sembler plus complexes que d’autres Comment les aborder et au pire, y renoncer ?


Gérer plusieurs longueurs

On aborde ici l’itinéraire sous son aspect “technique”, en occultant tous les paramètres extérieurs. Cette gestion est une gestion à la fois de sécurité et de la cordée par rapport à la chute mais aussi de l’horaire. Elle commence par l’installation du relais, ce lieu tant attendu par le leader… Et par le second qui commence à avoir froid !


Où poser mes relais ?

Le relais est le point de sécurité le plus important de la cordée car c’est le point fixe où toutes les sollicitations consécutives à une chute se produisent. Un relais doit donc être de qualité, composé de plusieurs reliés entre eux et dont la tenue globale doit être considérée comme “inarrachable”.


Mais le relais est aussi un point de repli, la base arrière du du grimpeur de tête qui pourra y redescendre en cas d’échec.


Il doit aussi être protégé des chutes de glace générées par le leader de la cordée (rien n’est plus terrible que de grimper en retenant ses frappes pour épargner son compagnon exposé) mais aussi de tout ce qui peut dévaler une pente de glace : coulée de neige, chute naturelle de glace ou de pierres.


Abrité

Les relais doivent toujours être décalés de la ligne d'ascension ou, si possible, à l’abri d’un rocher enchâssé dans la pente de glace ou derrière un pilier formé par le bord du couloir. Parfois il vaut mieux écourter sa longueur si un excellent relais se présente.


Confortable

Perdre 5 minutes pour tailler une petite plateforme peut faire gagner une précieuse énergie en fin de journée ! Si on peut s’abriter du vent ou de la neige, c’est encore mieux…


Protégé

Pour éviter d’arracher le relais, rien de mieux que de bons points. Mais ils peuvent s’avérer insuffisants si l’on oublie de protéger ce relais du facteur de chute 2. Lors du départ du leader, il est préférable de placer rapidement un point, même proche du relais, mais qui pourra, en cas de chute, encaisser la force de choc à sa place.


Conseils pour des relais “inarrachables”

• Sur broche ou sur spit, un relais réunit toujours plusieurs points (et plus ces points sont douteux, plus il doit y en avoir)

• Les relais doivent toujours être décalés de la ligne d’ascension

• Si possible, les placer à l’abri d’un rocher enchâssé dans la pente de glace ou derrière un pilier formé par le bord du couloir

• De vieux pitons en place doivent être retapés

• Des cordelettes qui datent doivent être changées


Où me protéger ?

Sur une ligne de glace homogène, comme sur une pente ou une goulotte bien fournie, on peut prévoir de brocher “régulièrement”, c’est-à-dire tous les 4/5 mètres environ. Les broches actuelles sont vite placées et retirée. Après c’est une question de niveau et de temps.


En cascade de glace, le choix de l’emplacement des broches est plus complexe, sachant qu'il y a des zones plus ou moins propices. En règle générale, toutes les boules ou bases des colonnes sont favorables : la glace y est homogène, on a moins besoin de chercher ou de préparer la surface, on va plus vite et on s’économise.


Dans une section raide, on ne doit pas pour autant s’interdire de brocher mais là encore, on peut anticiper l’endroit où les pieds seront les mieux posés et où on trouvera une zone de glace homogène.

Il faut aussi ouvrir son regard au terrain : en bordure ou émergeant de la glace, fissures, branches, racines peuvent vous sauver la mise si vous avez l’équipement adéquat… Sans oublier qu’une colonne de glace de qualité ceinturée d’une sangle est un bon point d’assurance vite placé et vite retiré.

Itinéraire en haute montagne

Un itinéraire en haute montagne de type face nord ou goulotte signifie généralement :

• une approche et un retour qui font partie intégrante de la course

• un horaire à respecter

• une évolution sur glacier et/ou pente neigeuse

• une altitude marquée


Cela exige donc :


• une expérience de la haute montagne, de la progression sur glacier, de l’orientation et des connaissances météo

• une bonne condition physique (acclimation, endurance)

• un matériel qui offre le meilleur compromis entre sécurité et légèreté sur tous les terrains pouvant être rencontrés (neige, glace et rocher)


Matériel type pour couloir de glace alpin

• Corde à double de 2 x 50 ou 60 m,

• 6 dégaines dont 4 dédoublables,

• 6 anneaux de sangles avec mousquetons,

• 1 broche de 20 cm, 5 de 17 cm, 1 de 12 cm,

• 1 ancre à neige

• 3 friends

• 5 à 7 câblés

• 3 ou 4 pitons

• en fond de sac, des bouts de corde à abandonner.


Matériel type pour goulotte alpine technique

• Corde à double de 2 x 50 ou 60 m,

• 8 à 10 dégaines dont 4 dédoublables,

• 6 anneaux de sangles avec mousquetons,

• 1 broche à glace de 20 cm, 6 de 17 cm, 2 de 12 cm,

• 1 ancre à neige

• 5 friends

• 8 ou 9 câblés

• 5 ou 6 pitons de progression

• en fond de sac, des bouts de corde à abandonner.


Matériel type pour grande face mixte alpine

• Corde à double de 2 x 50 ou 60 m,

• 10 à 12 dégaines dont 4 dédoublables,

• 6 anneaux de sangles avec mousquetons,

• 1 broche de 20 cm, 4 de 17 cm, 2 de 12 cm,

• 1 ancre à neige

• 6 à 8 friends

• 10 à 12 câblés

• 12 pitons

• en fond de sac, des bouts de corde à abandonner.


Itinéraire de type cascade

Un itinéraire de type cascade de glace signifie généralement :

• des difficultés techniques élevées

• une évolution sur pentes neigeuses

• des moments d’attente au relais et de forte intensité sur les longueurs

Cela exige donc :


• un entraînement physique et technique important

• un bon niveau de maîtrise du matériel

• un matériel d'alpinisme qui offre le plus de sécurité possible sur la glace, la neige et le rocher

• un matériel qui offre du confort au relais (vêtement, alimentation et hydratation…)


Matériel type pour la cascade de glace

• Corde à double de 2 x 60 m,

• 12 à 14 dégaines dont 4 dédoublables,

• 4 sangles doubles avec mousqueton,

• 2 broches de 20 cm, 8 de 17 cm, 2 de 12 cm,

• 3 ou 4 pitons

• en fond de sac, des bouts de corde à abandonner.


Site de dry-tooling

Une journée sur un site de dry-tooling signifie généralement :

• des efforts physiques très importants, souvent par basse température

• de longs moments d’attente au pied des voies

• aucune difficulté d’accès


Cela exige donc :

• un échauffement et un entraînement physique importants

• un matériel qui offre la sécurité adéquate (dégaines et broches courtes)

• un matériel qui offre le plus de confort possible


Matériel type pour une couenne de dry-tooling

• Corde à simple de 80 m,

• 12 à 14 dégaines,

• 3 à 6 broches courtes.

Ce qu'il faut retenir

• Est-ce que j'y vais aujourd'hui et maintenant ?

• Où vais-je passer et où vais-je me protéger ?

• Où sont les sections qui vont me poser problème ?

• Où vais-je poser mes relais ?

• Je mets toujours un point de protection avant de sortir.

• Je peux toujours m'arrêter et j'évite la fuite en avant.